Former et évaluer !
Dans le système éducatif français, les procédures d’évaluation des enseignants en formation initiale sont complexes. Elles constituent des actions de régulation et de certification qui influencent, guident et accompagnent les comportements enseignants. De fait, il s’agit de garantir un service public d’éducation pouvant s’appuyer sur des enseignants bien formés et reconnus par, et pour, leurs compétences magistrales. Le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation (J. O. du 18 juillet 2013) soutient l’importance de la maîtrise d’une culture professionnelle commune dans le contexte de l’exercice éducatif. Cette culture commune des professions enseignantes s’acquiert grâce à l’accompagnement des enseignants en devenir, par différents tuteurs exerçant la fonction de formateur. Pareil accompagnement humain, sous forme de tutorat, ouvre les futurs enseignants à leurs pratiques professionnelles par l’intermédiaire des différentes activités formatives (L’évaluation formative vise à mesurer les progrès et les besoins d'un apprenant dans une discipline ou une compétence donnée, afin de l'aider à progresser et de le guider vers la réussite. Contrairement à l'évaluation sommative, qui évalue le niveau de performance à un moment donné, l'évaluation formative est continue et régulière, et fournit des commentaires et conseils constructifs pour aider à la progression. L'évaluation formative prend différentes formes, telles que des tests, des quiz, des travaux pratiques, des observations, des entretiens, des auto-évaluations, etc. Elle est également utilisée à différents moments du processus d'apprentissage, de l'acquisition de connaissances de base à la maîtrise de compétences. L'évaluation formative est un outil pédagogique essentiel, car elle permet de mieux comprendre les besoins et difficultés des apprenants, de leur fournir un retour d'information précis et constructif, et de leur donner des moyens concrets pour progresser. Elle contribue ainsi à une meilleure réussite.et formatrices (Bien que l’évaluation formative et l’évaluation formatrice reposent sur un processus d’évaluation soutenant les apprentissages et soient souvent confondues, l'évaluation formatrice constitue un processus plus interactif et davantage centré sur l’évolution professionnelle de l’apprenant. Elle implique une collaboration étroite entre le formateur et le formé pour évaluer compétences et savoirs, identifier les défis professionnels et besoins spécifiques, puis concevoir des plans de professionnalisation personnalisés. L'évaluation formatrice est souvent considérée comme plus holistique et qualitative que l'évaluation formative. Lessard, Tardif et Gauthier (2010) définissent l’évaluation formatrice comme une évaluation des compétences professionnelles de l'enseignant, dans une perspective de développement professionnel continu. Cette forme d'évaluation identifie les forces et les besoins de l'enseignant en devenir, mais mesure aussi sa progression dans l'acquisition des compétences professionnelles. Elle se déroule tout au long de la carrière de l'enseignant, et permet de mettre en place des actions de formation continue adaptées.) conduites à leur attention. Au sein des universités, la formation s’adresse à un collectif de futurs enseignants constitué en parcours disciplinaires et « tronc commun » d’apprentissages professionnels. Dans les établissements scolaires secondaires, accompagnés par des tuteurs, les futurs enseignants disposent de temps de service d’enseignement auprès des classes dont ils ont charge, d’abord en pratique accompagnée (niveau du MASTER 1), ensuite en responsabilité autonome (niveau du MASTER 2). Les futurs enseignants bénéficient alors de l’activité des formateurs dont l’accompagnement se décline sous trois formats différents et complémentaires (Bernatchez, 2003). On distingue l’accompagnement dit cognitif qui apporte l’appui méthodologique des experts professionnels formateurs aux formés. Dans les cursus universitaires du MEEF, les formateurs ont pour objectif la construction de connaissances et compétences didactiques auprès des formés. Par la communauté d’apprentissage professionnelle (Il s’agit là d’une appellation singulière qui pourrait, par certains aspects, renvoyer au terme canadien (acronyme : CAP) désignant un mode de fonctionnement des écoles qui favorise la contribution de chaque personnel à entreprendre collectivement des activités et des réflexions pour améliorer continuellement les résultats scolaires des élèves (Eaker, Dufour et Dufour, 2004).)des INSPE, les futurs enseignants s’appuient sur le co-accompagnement généré par le formateur grâce à un climat propice à l’entraide et la coopération entre formés. On observe aussi l’accompagnement nommé « affectif », nécessaire à l’enrôlement des formés et à la continuité de leurs engagements professionnels. Enfin, l’accompagnement métacognitif favorise la démarche réflexive par l’analyse de la pratique. Les formateurs des enseignants en situation de formation initiale convient donc leurs publics à s’engager comme acteurs au cœur du dispositif de formation afin d’enclencher aisément le processus de professionnalisation. Celui-ci adopte la forme d’un projet de formation, par l’inscription dans un parcours du MEEF et l’engagement institutionnel dans l’environnement éducatif proposé par les rectorats. La complexité de cette alternance entre théorie et pratique présente l’ambition d’une professionnalisation en progression permanente. Par conséquent, il incombe aux formateurs des enseignants en devenir, non seulement de transmettre les savoirs et savoir-faire liés aux pratiques d’évaluation des élèves, mais également d’évaluer la propension des futurs professeurs à construire leur professionnalité magistrale. L’évaluation se fait tout à la fois contenu de formation et dispositif de reconnaissance de la professionnalité. Cet emboîtement du sujet signale sa complexité et donc tout son intérêt, c’est pourquoi nous souhaitons questionner les dynamiques d’évaluation dans les processus de formation et d’enseignement. Cette pluralité intrinsèque à l’évaluation dans le contexte éducatif sera abordée du point de vue des enseignants en formation initiale et du point de vue de leurs transmissions auprès des élèves. Partant de l’hypothèse que de l’évaluation résulte la progression, l’évaluation correspondrait à un positionnement dans le temps et s’inscrirait d’emblée dans une dynamique progressive. Cela nous amène à chercher à comprendre comment et pourquoi les pratiques d’évaluation – scolaires et formatrices – constituent un tremplin à la construction de la professionnalité enseignante. Pour répondre à cette problématique nous explorerons d’abord les concepts théoriques et officiels, ainsi que les pratiques qui président à l’évaluation des enseignants en formation initiale. Ensuite nous décrirons notre démarche, investigations actives, pour faire émerger les représentations des futurs enseignants de Lettres modernes et Lettres classiques sur les pratiques d’évaluation, à partir de réponses écrites à un questionnaire et d’un entretien semi-dirigé. Ces représentations, saisies à travers le prisme d’une mise en abyme, oscillent entre évaluation professionnelle et évaluation scolaire.Enfin nous analyserons l’intégralité des données recueillies en soulignant en quoi l’évaluation des enseignants en construction pourrait s’inscrire dans une perspective de réussite professionnelle au service des progrès éducatifs et scolaires. Nous évoquerons alors comment la logique d’accompagnement du formateur favorise une position réflexive des jeunes formés sur l’évaluation professionnelle afin d’acquérir une culture de l’évaluation sur l’évaluation scolaire. Cela autorisera une prise de distance propice à l’auto-évaluation de ma propre activité de formatrice d'enseignantes et enseignants.