Lire les textes des Lumières
Lecture de la tragédie de Voltaire, l’Orphelin de la Chine, dans le salon de Mme Geoffrin en 1755.
Anicet Charles Gabriel Lemonnier, 1812, château de Malmaison.
Littérature(s) et langue(s) en classe
Quelle circulation entre méthodologies de recherche et
pratiques enseignantes ?
19e Rencontres des chercheur·e·s en didactique de la littérature
AXE 1 : Entre savoirs littéraires et savoirs didactiques
« Lire les écrits des Lumières
en Première Baccalauréat professionnel »
Université Clermont-Auvergne, Laboratoire Acté EA4281
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N'épargnez rien pour leur élever l'âme ; faites-en vos égaux afin qu'ils le deviennent ; et, s'ils ne peuvent encore s'élever à vous, descendez à eux sans honte, sans scrupule...
(Rousseau, 1762/1966, 320-321).
Propos introductif
Lire des textes écrits au XVIIIe siècle, et donc pendant la période des Lumières, relève d’une prescription institutionnelle, puisque ce sont les programmes de français du lycée professionnel parus au Bulletin officiel spécial n° 2 du 19 février 2009 qui préconisent d’enseigner l’objet d’étude intitulé « Les philosophes des Lumières et le combat contre l’injustice ». La parole ministérielle oriente l’entrée dans cette étude selon quatre questionnements qui s’énoncent comme suit : « Une action juste l’est-elle pour tout le monde ? Quelles armes littéraires les philosophes des Lumières ont-ils léguées aux générations suivantes pour dénoncer l’injustice ? En quoi les écrits des philosophes des Lumières permettent-ils l’élaboration d’un jugement argumenté ? » Pareilles interrogations concentrent leur intérêt sur les notions fondamentales de justice et d’argumentation, soulignant d’emblée un intérêt certain pour les préoccupations caractéristiques des lycéens de la voie professionnelle. Ainsi que le rappelle Denise Barbeau, la motivation scolaire relève « d’un état qui prend son origine dans les perceptions et les conceptions qu'un élève a de lui-même et de son environnement et qui l'incite à s'engager, à participer et à persister dans une tâche scolaire » (Barbeau, 1993, JP16-1). Le questionnement associé à l’objet d’étude implique le lycéen de la voie professionnelle par l’intermédiaire, d’abord de l’évocation des ‘générations suivantes’ incluant la jeunesse contemporaine, puis de l’intérêt marqué pour la thématique sensible de la ‘justice’ et enfin de l’acquisition d’outils spécifiques, ‘armes littéraires’, afin de construire ‘un jugement argumenté’. Toutefois, malgré ces directives, très respectueuses des attentes des élèves du lycée professionnel, les enseignants perçoivent d’importantes difficultés à faire lire des textes complexes, d’un niveau linguistique très soutenu et abordant des notions abstraites difficiles à appréhender. Notre recherche consiste à étudier les stratégies lecturales exploitées par certains manuels de français et à analyser des préparations didactiques pour conduire les élèves de Première Baccalauréat Professionnel dans la compréhension fine et l’interprétation des textes du XVIIIe siècle. Les points suivants retiennent particulièrement notre attention : le choix des textes et images à étudier, les influences des différents appareils de questions sur l’avancée de la compréhension puis de l’interprétation ; la construction efficiente d’une posture de lecteur expert ; l’appropriation et la transposition progressive du discours argumentatif des Lumières.