Insertions bibliques et enjeux éducatifs dans Les Contes moraux
de Stéphanie de Genlis

Née à la fin de la première moitié du XVIIIe siècle, en 1746, Stéphanie de Genlis est issue d’une famille noble où elle bénéficia d’une éducation plus ou moins soignée dans laquelle son père joua un rôle déterminant. Elle rendra hommage à cet homme qui l’habitua à toute forme d’expériences, afin qu’elle aiguisât confiance en soi et raisonnement. Stéphanie de Genlis va éduquer les jeunes souverains de France de la famille d’Orléans et rehausser sa pratique par la publication d’ouvrages comme Les Lettres sur l'éducation (1782), les Essais sur l’Éducation des hommes et en particulier des princes par les femmes pour servir de Supplément aux Lettres sur l’Éducation (1782) et le Discours sur l’Éducation de Monsieur le Dauphin (1790) où elle fait valoir l’importance de cultiver à la fois les goûts de la simplicité et des savoirs savants. Dans ces écrits, la fonction magistrale se confond souvent avec la charge parentale et valorise la figure maternelle. Elle exprime à un degré élevé son besoin de maîtrise universelle, qui se traduit par une frénésie de connaissances, car « Madame de Genlis eût voulu tout savoir pour tout enseigner »[1]. Bravant les préjugés sexistes de son temps, elle professe ardemment, mais réussit également à prendre quelque recul avec ses pratiques grâce à l'écriture.

Elle compose aussi des ouvrages destinés aux jeunes lecteurs, comme ses Contes moraux[2], publiés initialement dans les Veillées du château en 1784. À la manière de Rousseau, elle pense que les enfants doivent être soustraits aux mauvaises influences du monde et, comme lui, elle cherche à appliquer des stratégies de détournement pour les éduquer. De même, elle s'empare de l’idée rousseauiste du respect de la chronologie enfantine.

Comme l’écrit Sainte-Beuve, « ces ouvrages, remarquables par un intérêt facile, de fines observations et des portraits de société, un style coulant et clair, et de justes prescriptions de détail, sont tous plus ou moins gâtés par du romanesque, de la sensiblerie factice, de l'appareil théâtral », mais ils développent des histoires à portée universelle où priment les actions vertueuses et édifiantes, susceptibles de servir « d’exemples et de leçons utiles à la jeunesse »[3]. Si les contes genlisiens présentent une morale soumise à la définition préalable du bien, ils prennent également appui sur une morale du devoir, souvent dépendante de conditions empiriques et toutes singulières, selon lesquelles se déroulent les maints récits réalistes de cette littérature enfantine. Ils forment un album d’apologues où se lisent implicitement différentes insertions bibliques qui présentent des enjeux éducatifs.

Sortir du chaos et trouver la lumière


[1] Gabriel Compayré, Histoire des théories de l’éducation, Hachette, 1911, volume 2, p. 121.

[2] Edition de référence : Contes moraux de Madame de Genlis, Hachette, Bibliothèque Rose illustrée, à destination des enfants et adolescents, 1861.

[3] Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, Paris, Garnier Frères, tome III, 1850, p. 19-38.

Date de dernière mise à jour : 20/03/2024